Les caractéristiques à prendre en compte avant la prescription de Benzodiazépines (BZD) chez le sujet âgé sont :
- La poly-médication, soit un traitement chronique à plus de 5 médicaments entraînant une augmentation du risque de survenue d’effets indésirables (EI) et d’interactions médicamenteuses (IAM) :
- IAM pharmacocinétiques
- Inhibition du cytochrome P450 : majoration des EI
- Induction du cytochrome P450 : diminution des effets thérapeutiques
- IAM pharmacodynamiques
- Compétition : Agonistes et Antagonistes du GABA
- Cumul d’effets indésirables : Dépresseurs centraux et respiratoires
- IAM pharmacocinétiques
- La poly-pathologie, associée parfois à une fragilité physique, psychique ou socio-économique et à un perte d’autonomie. Les accidents iatrogéniques auront donc des conséquences majeures pour le patient (chutes et fractures invalidantes).
- Une modification des paramètres pharmacocinétique (A.D.M.E) :
- Sensibilité du système nerveux central accrue aux psychotropes car augmentation de la perméabilité de la barrière hémato-encéphalique et modification de l’affinité aux récepteurs centraux vis-à-vis des benzodiazépines. Ceci potentialise l’effet des BZD et leurs EI.
Une personne âgée se définit comme ayant
- Selon l’OMS : plus de 65 ans
- Selon l’HAS et l’ANSM :plus de 65 et étant poly-pathologique OU plus de 75 ans
Rappel sur les effets indésirables des benzodiazépines :https://ordoscopie.fr/2015/09/12/effets-indesirables-des-benzodiazepines-c-a-r-d-a-r-a-m/
SYNTHÈSE DES DIFFÉRENTES RECOMMANDATIONS SUR LA PRESCRIPTION DE BENZODIAZÉPINE EN GÉRIATRIE
DEMI-VIE
Chez un patient âgé, une benzodiazépine à demi-vie longue augmente le risque de survenue d’effets indésirables par accumulation des métabolites actifs et doit donc être remplacée par une benzodiazépine à demi-vie courte de même indication. Une benzodiazépine peut être métabolisée en un métabolite actif : il faut prendre en compte la demi-vie du médicament administré mais aussi celle de son métabolite.
Une benzodiazépine à demi-vie longue et ou à métabolite actif sera donc inappropriée chez le patient âgé.
POSOLOGIE
Chez n’importe quel patient la posologie d’instauration et d’arrêt d’une benzodiazépine doit toujours être progressive afin de limiter au maximum le risque de surdosage et d’éviter un syndrome de sevrage. On recommande chez le sujet âgé de diminuer au minimum de moitié les doses administrées car l’utilisation d’une posologie usuelle adulte n’améliore pas l’efficacité du traitement et augmente le risque de survenue d’effets indésirables.
CO-PRESCRIPTION DE DEUX BENZODIAZEPINES
L’association de deux benzodiazépines chez un patient âgé ne présente aucun intérêt thérapeutique et augmente le risque d’effets indésirables.
DURÉE DU TRAITEMENT
La durée du traitement doit être prévue avec le patient avec un contrat pré-thérapeutique
Une durée de traitement excessive augmente le risque de chute et d’effets indésirables peut-importe la benzodiazépine. De plus on observe un risque de dépendance et de tolérance à long terme.
La durée du traitement idéale correspond à la durée efficace la plus courte possible. Le prescripteur et le pharmacien au moment de la primo-prescription doivent rappeler au patient qu’un processus d’arrêt progressif doit être prévu. Au bout de 30 jours de traitement et à chaque consultation médicale le médecin doit proposer une diminution du traitement au patient.
Au moment d’entreprendre un arrêt, il convient de mesurer le degré « d’attachement » aux benzodiazépines, pour aboutir à une décision partagée et évaluer les facteurs pronostiques. Le médecin peut s’appuyer sur les items du questionnaire ECAB (échelle cognitive d’attachement aux benzodiazépines).
Le sevrage aux benzodiazépines chez cette tranche de population demande des précautions particulières :
- Terrain plus sensibles aux syndromes de sevrage
- Les benzodiazépines à faible demi-vie provoquent d’avantages de symptômes lors du sevrage (effet rebond)
On privilégiera donc un protocole progressif et une concertation préalable entre le patient et le médecin. Exemple de protocole de sevrage : https://ordoscopie.fr/2017/02/22/protocole-darret-des-hypnotiques/
BALANCE BÉNÉFICE-RISQUE
En cas d’anxiété sévère prolongée on préférera un antidépresseur de type ISRS plutôt qu’une benzodiazépine car les effets indésirables seront moindres et le traitement plus efficace.
Pour les troubles du sommeil, il est nécessaire de prendre en compte le fait qu’un patient âgé de façon générale et pour des raisons physiologiques :
- Mettra plus de temps pour s’endormir
- Dormira moins longtemps la nuit
- Se réveillera fréquemment pendant la nuit
- Effectuera souvent des siestes durant la journéepour compenser son manque de sommeil
- Souffrira de troubles divers pouvant perturberson sommeil (Incontinence urinaire, toux nocturne, RGO, apnée du sommeil,maladie des jambes sans repos, anxiété, dépression, douleurs, nycturie causéepar un diurétique)
L’insomnie nécessite en premier lieu un bilan étiologique et la mise en place de règles hygiéno-diététiques.
LES DIFFÉRENTES BENZODIAZÉPINES
Le délai d’action (Tmax) est observé entre le moment de prise par voie orale et le pic plasmatique mesuré. Il peut être ultrarapide (moins de 15 minutes), rapide (de 15 à 30 minutes), Intermédiaire (entre 30 à 60 minutes) ou lent (plus de 60 minutes). Il est à noter qu’une benzodiazépine résorbée rapidement aura tendance à avoir un effet « flash » qui favorise le risque de mésusage ou d’abus.
La puissance de la benzodiazépine est caractérisée par son affinité aux récepteurs GABAa. Son estimation est faite en mesurant la dose nécessaire pour obtenir un effet similaire à l’administration d’une dose standardisée de 10mg de diazépam per os (DED10).
De nombreuses indications possibles ne sont pas citées dans ce tableau dont par exemple :
- Clonazépam : Insomnies, douleurs de désafférentation et tremblements involontaires isolés
- Clobazam : Anticonvulsivant
- Diazépam : Anticonvulsivant et myorelaxant
- Clorazépate : Prémédication à certaines explorations fonctionnelles et dans les urgences neuropsychiatriques
Dr Alix Daya, Pharmacien, avec la relecture de Dr Ordoscopie, Pharmacien
Les BZD font des ravages chez les personnes âgées dépendantes. Ma mère 73 ans après une hospitalisation de 10 mois continus et placement en EHPAD, est sous prescription continue depuis 2017 de Séresta. Les médecins ont testé 15 molécules psycho-actives en 10 mois dont les BZD qu’ils ont augmenté à 90 mg/J. Je lutte depuis plus de 2,5 ans pour le sevrage (avec les rapports des experts pour appui face aux médecins)… et avec la baisse des doses elle commence à aller mieux. C’est un scandale de santé publique à dénoncer. Les prescriptions abusives ne devraient pas être possibles. Et la sécurité sociale les rembourse. Nous participons tous avec nos impôts à la destruction de vies.
Personne ne défend les victimes et leurs aidants. Il n’existe pas de loi en France pour bien prendre en charge les personnes âgées alors que les alertes sur le bon usage des BZD, comme sur ce site, sont régulières.