L’allongement de l’intervalle QT est la conséquence d’un effet pharmacologique de certains médicaments. En raison des répercussions importantes qui peuvent y être associées, il est devenu l’une des causes principales du retrait de médicaments du marché. Plusieurs médicaments ayant des structures chimiques différentes peuvent prolonger l’intervalle QT et, consécutivement, entraîner une arythmie potentiellement mortelle appelée « Torsade de Pointes » (TdP).
L’association entre les TdP et la prolongation du QT n’est pas une fonction linéaire et il n’existe pas de valeur définie produisant une arythmie, mais plutôt une limite au-delà de laquelle le risque augmente de façon importante. Plus le QT est long, plus le risque de TdP augmente.
Malgré que cet allongement découle d’un processus complexe, on admet toutefois que le risque est augmenté en présence de :
- âge > 65 ans
- sexe féminin
- bradycardie préexistante (ou iatrogène)
- trouble électrolytique (particulièrement hypokaliémie) d’origine pathologique (comme la diarrhée) et/ou iatrogène
- cardiopathie associée (insuffisance cardiaque, hypertrophie du myocarde, bloc auriculo-ventriculaire du 2° et 3° degré)
- syndrome du QT long congénital (1 sur 2000 patients).
Ci-dessous un tableau résumant – de façon non exhaustive – le niveau de risque d’allongement de l’intervalle QT pour plusieurs médicaments :
L’augmentation du QT (donc du risque) est généralement dose-dépendant.
Même s’il s’agit d’un effet indésirable rare que nous ne pouvons ni prévoir avec certitude ni mesurer, le problème de l’allongement du QT est bien réel et ne doit pas être négligé. De ce fait, une incertitude découle dans sa gestion : certains le signaleront systématiquement au prescripteur, alors que d’autres ignoreront tout simplement, à tort, la problématique. Cette approche se retrouve également chez les prescripteurs qui accueillent plus ou moins bien les interventions, jugées excessives. Pourtant le pharmacien a un rôle important dans la prévention des torsades de pointes. En effet, même si certaines données lui sont inconnues (polymorphismes génétiques, ECG) ou difficiles à obtenir (kaliémie), il est le plus à même de repérer les interactions et les circonstances pouvant mener à un allongement du QT potentiellement significatif sur le plan clinique.
La réalisation systématique d’un ECG lors de l’instauration d’un médicament allongeant l’intervalle QT n’est pas réaliste. En revanche, il importe de vérifier la présence de facteurs de risque sous-jacents d’allongement de l’intervalle QT ou de torsades de pointes :
- association de plusieurs médicaments allongeant l’intervalle QT
- association avec un inhibiteur enzymatique (pouvant augmenter ainsi les concentrations plasmatiques)
- association avec un diurétique augmentant la perte de potassium (ex: diurétique thiazidique ou de l’anse, laxatif stimulant, corticoïde, β2 stimulant,…)
- association avec un bradycardisant (ex: β-bloquant, digoxine, diltiazem, anti-cholinésterasiques,…)
CONCLUSION
Il est difficile, voire impossible, de prévoir si un médicament, anti-infectieux ou autre, prolongera l’intervalle QT chez un patient de façon cliniquement significative. Pour cette raison, il est important de connaître les médicaments associés à un allongement du QT, leurs modes d’élimination et leurs interactions potentielles, mais il est tout aussi essentiel de prendre en compte le patient dans sa globalité pour évaluer sa sensibilité potentielle à ce type d’effet, afin d’éviter des interventions excessives. Une attention particulière doit être portée à l’hypokaliémie qui prédispose aux TdP, en gardant à l’esprit que ces concentrations peuvent varier de façon importante en quelques jours, notamment à cause de certains médicaments.
Si un traitement par un médicament ayant le potentiel de prolonger le QT est commencé, les patients doivent être avertis qu’il leur faudra signaler rapidement tout symptôme, tel que des palpitations ou une syncope (même sans palpitations).
Enfin, un ECG sera proposé au prescripteur chez les patients jugés à haut risque par le pharmacien.
Dr Ordoscopie, Pharmacien, avec la contribution de Dr Ledoux, Pharmacien
Merci pour cet article. Pour compléter, notre protocole de surveillance à l'EPSM CAEN : https://drive.google.com/open?id=0BzHIA5fm8DDpazc1aVEySWFYV3c
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