Le Kétoprofène est utilisé depuis plus de quinze ans, notamment sous forme de gel. À la suite d’une procédure de réévaluation des bénéfices et des risques des médicaments contenant du kétoprofène, l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (Afssaps) décidait en décembre 2009, de suspendre son autorisation de mise sur le marché (AMM). Mais l’histoire ne s’arrête pas là…
UN PEU D’HISTOIRE
En effet, dès sa commercialisation, des cas souvent graves de photoallergie ont été décrits avec les formes topiques de kétoprofène. Ces réactions se présentaient sous la forme d’eczéma et de bulles s’étendant au-delà de la zone d’application, pouvant conduire à des hospitalisations et des arrêts de travail. A ce jour, un tel signal de pharmacovigilance n’a pas été observé avec les autres AINS utilisés par voie topique.
Ces complications ont conduit à la mise en place dans tous les Etats Membres européens, notamment en France dès 2001, de mesures afin d’assurer une utilisation plus sûre des formes topiques de Kétoprofène, telles que des mises à jour de l’information produit (résumé des caractéristiques du produit / notice), des communications auprès des professionnels de santé (dès 2003) et l’ajout d’un pictogramme sur le conditionnement.
Une lettre adressée deux ans plus tard aux professionnels de santé n’a pas permis de faire régresser ces effets secondaires graves. C’est dans ce contexte qu’une procédure de réévaluation du médicament sous forme de gel a été lancée. Il en est ressorti que l’efficacité de ces gels était « faible à modérée ». Comme il existe des alternatives thérapeutiques, l’Afssaps a estimé que « le risque lié à l’utilisation de ces gels était supérieur au bénéfice attendu ». D’autant qu’il apparaissait difficile de prendre des mesures supplémentaires pour garantir la sécurité des patients. En conséquence, l’Afssaps demandait le retrait du marché de ces gels à compter du 12 janvier 2010, en attendant l’évaluation européenne.
DÉCISION PROVISOIRE
Un des laboratoires concernés par cette décision, Menarini, commercialisant le Ketum, a décidé de faire appel en déposant une requête en référé-suspension devant le Conseil d’État. Dans l’attente d’une décision sur le fond, une ordonnance rendue le 26 janvier 2010 dans le cadre d’une procédure d’urgence, autorise le laboratoire Menarini à remettre sur le marché le gel Ketum. « Il ressort des pièces du dossier que le Ketum représente le deuxième chiffre d’affaires de la société Menarini, de sorte que l’arrêt de la commercialisation risquerait de compromettre la possibilité pour cette société de retrouver un résultat positif en 2010… » peut-on lire entre autres dans les attendus du jugement.
Pour finir l’histoire, malgré ce risque qui avait conduit à un retrait temporaire de l’AMM en 2009, les autorités européennes ont jugé en novembre 2010 que le rapport bénéfice/risque de ces médicaments topiques demeurait favorable, sous réserve de mettre en place les mesures de minimisation des risques nécessaires.
Notons que depuis le 1er mars 2015, ces spécialités ne sont plus remboursables en France en raison d’un rapport efficacité/sécurité d’emploi jugé insuffisant par la Commission de la transparence de la Haute Autorité de Santé.
L’affaire est inédite et mérite que l’on s’y arrête. En effet, même s’il s’agit d’une décision provisoire, il est remarquable qu’une décision du Conseil d’État puisse prévaloir en matière de sécurité des médicaments sur celle prise par l’Afssaps, sur la base d’un argumentaire… économique.
Elle a ému en tout cas les experts du médicament, qui ont craint que la justice ne puisse prendre une place croissante dans la gestion du risque sanitaire, une discipline qui n’est pas enseignée aux magistrats à notre connaissance…
Dr Ordoscopie, Pharmacien
Pas si inédit que ça, il me semble que l’argument économique à été avancé pour le rhinotrophyl, l’olmesartan, et la non substitution du paracetamol. (Pas le temps de chercher les sources, désolé)
Je ne savais pas pour le rhinotrophyl (j’en avais entendu parlé pour l’olmesartan et le doliprane) !