Les saignements, en particulier cutanéomuqueux, mais plus généralement la majoration du risque hémorragique font partie des effets secondaires décrits depuis de nombreuses années avec les antidépresseurs inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine (ISRS). Une méta-analyse publiée en 2008 montrait un doublement du risque de saignement digestif sous ISRS.
J’ai trouvé ce joli cas publié dans Annales de Biologie Clinique qui a l’intérêt de décrire le rôle de la sérotonine dans l’agrégation plaquettaire et de donner une explication physiopathologique à ces effets indésirables.
MÉCANISME
« La sérotonine ou 5-hydroxytryptamine (5-HT) est un dérivé du tryptophane, principalement localisée dans les cellules entérochromaffines de l’intestin, les neurones sérotoninergiques du système nerveux central (SNC) et dans les granules denses des plaquettes sanguines.
Lors de l’activation plaquettaire, la libération de la 5-HT des granules denses se fait par exocytose. Au niveau plaquettaire, la 5-HT se fixe à son récepteur le plus abondant, le récepteur 5-HT2A. L’activation du récepteur sérotoninergique aura un rôle dans l’amplification de l’activation et de l’agrégation plaquettaire.
Aux doses thérapeutiques d’ISRS, les effets physiologiques de la sérotonine sur les plaquettes peuvent être inhibés. Le mécanisme physiopathologique de ces complications hémorragiques est lié à l’inhibition de la recapture de la sérotonine plaquettaire secondaire à l’inhibition de son transporteur membranaire (Sert). La sérotonine n’est pas synthétisée par les mégacaryocytes mais internalisée dans les granules denses de la plaquette. Cette inhibition du transporteur entraîne de fait une diminution de la sérotonine intra-plaquettaire.
Par ailleurs, l’inhibition de l’activation plaquettaire serait corrélée à l’affinité de l’ISRS pour le transporteur de la sérotonine. Ainsi, le risque de saignement serait lié à la prise d’ISRS de forte affinité, comme la paroxetine, la sertraline, la fluoxetine. »
LES ANTIDÉPRESSEURS ET LES ANTI-INFLAMMATOIRES (AINS)
Les antidépresseurs, en particulier les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, et les AINS ont déjà été associés, chacun de leur côté, à la survenue d’hémorragies digestives. Or l’association des deux multiplie ce risque par 6 tout en augmentant, dans les 30 jours suivant le début de ce double traitement, le risque d’hémorragie cérébrale.
Il n’y a aucune différence selon la classe d’antidépresseur. Le risque est plus élevé chez les hommes que chez les femmes.
En synthèse, attention à vos patients traités par antidépresseurs de type ISRS de façon concomitante à un traitement majorant le risque hémorragique (antiagrégants plaquettaires, AINS, etc).
Dr Olivier Magnard, Pharmacien, avec la contribution de Dr Ordoscopie, Pharmacien
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