Les personnes âgées dépendantes sont souvent polymédiquées et prennent en moyenne 6 à 8 médicaments par jour. Dans un tiers des cas, leurs médicaments sont broyés et incorporés à la nourriture pour en faciliter l’administration, par exemple en cas de troubles de la déglutition ou cognitifs.
Il arrive fréquemment dans notre pratique de pharmacien que l’on soit sollicité par les soignants pour savoir si un médicament est écrasable ou non. Or, j’abordais cette problématique uniquement du point de vue de la galénique (gastrorésistance, forme LP, etc.), de la posologie (déperdition de la matière) ou encore de la sécurité.
En revanche, c’est la première fois que des chercheurs se sont penchés sur la problématique du « goût » des médicaments broyés mélangé au repas.
Le protocole de l’étude consistait à goûter puis recracher à l’aveugle les 10 médicaments les plus prescrits dans les EHPAD du groupe Korian. Ces médicaments étaient écrasés et mélangés dans de l’eau gélifiée et de la compote. Le jury était composé de 8 soignants et 8 représentants du monde de la gastronomie (dont 2 chefs étoilés Michelin).
UN MEILLEUR GOUT POUR UNE MEILLEURE OBSERVANCE
Les membres du jury ont été unanimes sur le mauvais goût des médicaments broyés et mélangés.
Sur le podium, on retrouve le zopiclone, le clopidogrel et le paracétamol. La lévothyroxine, le donépézil et le furosémide sont les médicaments qui altèrent le moins le goût des aliments, malgré que les goûteurs aient qualifié « d’insupportable, d’inadmissible et d’horrible » l’amertume extrême ressentie.
Le goût amer atteint son paroxysme lorsque les médicaments sont mélangés entre eux au sein d’un même mets. Ainsi un mélange de paracétamol, furosémide, lévothyroxine, mémantine, zopiclone et alprazolam a récolté les notes de 0/10 et de 1/10.
Un tiers des participants de l’étude ont eu l’appétit coupé et n’ont pas déjeuné après la « dégustation ».
À NE PAS FAIRE
Cette étude montre que cette pratique, bien que courante, est à proscrire car elle peut avoir plusieurs répercutions négatives. Les médicaments écrasés puis mélangés aux aliments peuvent donner un mauvais goût pouvant conduire à un refus de la prise du repas, voire à des troubles graves comme l’anorexie et la malnutrition.
Ainsi, il faut éviter de :
- mélanger un médicament de mauvais goût avec d’autres médicaments
- obliger les personnes âgées à prendre des médicaments qui ont un mauvais goût et provoquent une perte d’appétit
- diluer les médicaments dans un volume important de liquide ou de nourriture
CONSEILS
Il faudra plutôt :
- écraser séparément chaque médicament
- mélanger chaque médicament dans une petite portion de nourriture comme une cuillerée de confiture
- privilégier les aliments mous, plutôt sucrés
- prendre ce mélange en fin de repas
De manière générale, il est conseillé de limiter les médicaments écrasés. On pourra en parallèle identifier les médicaments problématiques en considérant les expressions de dégoût de chaque personne âgée qui, souvent, ne les verbalisent pas. Cela afin de prescrire une molécule équivalente de meilleur goût si elle existe ou d’envisager d’autres formes galéniques.
NB : Trouvez ici des listes de médicaments autorisés à être écrasés.
Dr Ordoscopie, Pharmacien
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